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« Un tiers des installés sont passés par un emploi non agricole »

Sociologue, Antoine Dain est rattaché à la chaire des mutations agricoles de l’École supérieure des agricultures (ESA) à Angers.

Sociologue, Antoine Dain est rattaché à la chaire des mutations agricoles de l’École supérieure des agricultures (ESA) à Angers, dans le Maine-et-Loire. Dans le cadre de l’étude Agrinovo, il s’est intéressé aux années qui précèdent l’installation.

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La période avant l’installation tend à s’allonger. Que savons-nous de ces années-là ?

Pas tant de choses que cela jusqu’ici. De fait, aujourd’hui, le métier d’agriculteur est un métier dans lequel on entre de différentes manières. Autrement dit, il existe une diversité de parcours de pré-installation.

Dans le cadre de l’étude Agrinovo, nous avons interrogé un peu plus de 4 300 agriculteurs et agricultrices installés en 2018 et 2022. En particulier, nous leur avons demandé ce qu’ils avaient fait au cours des dix années précédant leur installation.

Ce faisant, nous avons collecté des données sur leur origine sociale, leur parcours scolaire, professionnel et résidentiel, également sur leurs expériences de travail agricole ou indépendant, etc. Elles nous ont permis d’établir une typologie des trajectoires de pré-installation et de dégager, au sein même de cette diversité de parcours, des points communs.

Précisément, quels sont-ils ?

Retenons déjà qu’un tiers d’entre eux a eu une longue expérience de salariat non agricole, principalement dans le commerce et l’industrie, sur des postes d’ouvriers et d’employés. À titre de comparaison, seules 15 % des personnes enquêtées ont été salarié agricole pendant huit ans et plus. Les agriculteurs qui ont répondu à notre enquête sont également nombreux (un tiers) à ne pas être passés par une formation agricole.

Au-delà, plusieurs classes de notre typologie renvoient à des trajectoires d'« héritiers ». C’est-à-dire à des trajectoires d’enfants d’agriculteurs installés immédiatement après une formation agricole ou après une formation agricole et une expérience courte — moins de cinq ans — de salarié agricole. Ces « héritiers » représentent un peu plus du quart de notre population. Dans les trajectoires restantes, on trouve par exemple des personnes (5,4 %) qui s’installent après une période de chômage, plus ou moins longue.

Nous avons aussi repéré une petite proportion de gens (4,6 %) qui, de facto, étaient déjà exploitants agricoles mais pas installés en nom propre. Derrière cette situation, on a surtout des femmes qui travaillaient sans statut.

Enfin, la dernière trajectoire que nous avons identifiée est marquée par des détours entre salariat agricole et non agricole. Elle concerne 4 % des agriculteurs de l’enquête et correspond à des reconversions très progressives.

Dans cette diversité de parcours, avez-vous repéré des motivations communes à tous ces agriculteurs ?

Quand on leur demande — ce que nous avons fait — de citer leurs trois principales motivations, tous mentionnent le travail en extérieur et/ou avec les animaux, le fait également de mettre en œuvre leurs valeurs, leurs convictions, de se sentir utile.

Ensuite, selon les profils, certaines motivations sont plus présentes. Par exemple, les « héritiers » et le profil des « contre-mobiles » — qui correspond à des enfants d’agriculteurs membres des classes supérieures urbaines — mettent en avant la reprise de l’exploitation familiale.

Les installés issus des classes populaires rurales évoquent, quant à eux, le fait de construire et d’avoir quelque chose à transmettre, etc. Une chose est sûre, c’est que le type de parcours a ou aura un effet sur l’exercice du métier. »

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